L'une des transformations les plus importantes dans le passage de l'état adolescent à celui d'adulte est celle qui consiste à changer le regard que nous portons sur nos parents. Avec l'apprentissage de la vie, la parentalité souvent, mais pas nécessairement, la prise de conscience de la façon dont nous projetons nos propres blessures sur notre entourage nous conduit progressivement à comprendre que nos parents ont fait de leur mieux, même si ce mieux n'est pas celui dont nous pensions avoir besoin de prime abord. Plus nous accueillons notre propre vulnérabilité, plus nous regardons avec tendresse celle de nos parents. De coupables, ils deviennent des êtres humains comme les autres, comme nous, lumière et ombre à la fois.
Parce qu'il n'existe pas d'humain qui ne porte pas de blessures, il ne peut y avoir de parents parfaits. Immanquablement, nous projetons ces meurtrissures, ces déchirures de l'enfance sur nos enfants. Plus ou moins bien sûr. Nous faisons du mieux que nous pouvons. On a beaucoup dit que la psychanalyse faisait porter la culpabilité de nos traumatismes, minis ou maxis, sur les parents. La question n'est pas là, il ne s'agit pas de culpabilité, mais de la compréhension de ces souffrances projetées de génération en génération.
Oui, les erreurs parentales ont pu blesser, un acte malheureux, une parole en apparence anodine, une violence physique ou verbale, une manipulation, une surdité ou un aveuglement involontaire, un oubli, un mensonge, un abandon. Mais vient un moment où nous avons la possibilité de changer notre angle de vision sur ce qui s'est passé.
Nous avons le choix: de nous sentir victimes, ou de prendre notre responsabilité. J'entends par là de devenir acteur de nos vies et pas seulement le résultat de ce que nous avons reçu. Il existe des personnes naturellement résilientes, et d'ailleurs nous le sommes tous plus ou moins, nous n'aurions peut-être pas sinon survécu à nos blessures. Il ne s'agit pas de nier ces souffrances, mais de voir qu'aujourd'hui elles n'ont pas à nous définir ni à leur être fidèles au point qu'elles prennent tout le pouvoir sur nos vies. Nous pouvons regarder ce qu'elles nous permettent de dépasser, ce qu'elles nous conduisent à travailler.
Nous pouvons accueillir l'enfant que nous étions, le rassurer, l'aimer, l'emmener avec nous sans que ce soit lui qui nous tire par la main. Ainsi, nous nous autorisons à la liberté, et nous brisons quelques maillons des chaînes de souffrance qui se transmettent de parents en enfants. Alors, non seulement nous nous libérons, mais nous libérons nos propres enfants.
Lorsque nous sortons du rôle de victime, nous pouvons commencer de regarder nos parents avec bienveillance. En regardant notre propre chemin, nous pouvons envisager le leur. Nous sortons de l'état d'enfant, qui subit, de celui d'adolescent, qui entre en rébellion, à celui d'adulte, qui assume, c'est-à-dire, qui accepte, prend, reçoit. Alors la tendresse prend le pas sur la rage...
Et puis, il y a une autre hypothèse... à suivre...
Rédigé par : Margot Krebs Neale | 05/04/2016 à 11:08