Qu'est-ce qu'un bouc émissaire?
Son origine remonte aux Hébreux et aux Grecs, qui choisissaient un bouc pour lui faire porter chez les uns la responsabilité des maux du monde, chez les autres leurs péchés que les mains du rabbin déposaient sur la tête de l'animal. Les Grecs sacrifiaient ce bouc, les Hébreux l'envoyait à Hazazel, un désert aride. Et dans la tradition, Dieu demande à Moïse de faire porter par un bouc les péchés des hommes. Il s'agit donc d'un sacrifice de substitution, et c'est ainsi d'ailleurs que nous est présenté Jésus dans la tradition chrétienne, l'agneau sacrifié, mort sur la croix pour nos péchés.
L'expression est entrée dans notre langage courant pour nommer celui ou ceux à qui un individu, ou un groupe d'individus, veut faire porter la responsabilité de ses maux. Plutôt que de se poser la question de notre propre responsabilité, de ce qui ne fonctionne pas chez nous, en nous, nous préférons affubler l'autre de tous nos dysfonctionnements.
Hier, le Capitaine Dreyfus, aujourd'hui les migrants et/ou les immigrés, entre autres. C'est en projetant à l'extérieur notre propre responsabilité que nous contenons notre insupportable sentiment d'échec et de culpabilité. Un sentiment si profond et si douloureux que nous le nions ou le refoulons. Pour éviter la colère et la violence que nous pourrions avoir envers nous-mêmes, nous la jetons sur autrui.
A mon sens, ce n'est pas au niveau moral que se situe le problème, même si l'on peut considérer comme profondément immoral de faire porter nos fautes par l'autre. La question est toujours celle de notre responsabilité, et nous renvoie donc au Triangle de Karpman, ce fameux triangle infernal autour duquel nous passons notre vie à jouer entre victime, sauveur et persécuteur. Lorsque nous incriminons, fustigeons, stigmatisons quelqu'un d'autre, nous incarnons le rôle du bourreau. Et le bourreau est toujours une victime qui n'a pas pris conscience de sa responsabilité, ne l'a pas intégrée, et fait payer à l'autre ses propres souffrances. Il adviendra éventuellement que le même deviendra sauveteur s'il considère qu'un bourreau s'est trompé de victime...
Le choix d'un bouc émissaire relève toujours d'un besoin d'auto-préservation. Il nous met face à nos peurs, et celle, ultime, de l'anéantissement. Les bourreaux en question ne sont pas nécessairement de mauvaises personnes, elles sont seulement enfermées par leur aveuglement, bourreaux d'elles-mêmes.
Notre société, qui va si mal, n'a pas eu de grands efforts à faire pour trouver ses boucs-émissaires; Mais ce n'est pas au niveau de la société que nous dépasserons cette question. Bien plutôt au niveau individuel, en regardant en chacun de nous, la façon dont nous portons notre responsabilité, notre capacité à répondre de nous -mêmes et aux évènements. A chaque fois que nous endossons le rôle de victime, nous ouvrons la voie au bourreau en chacun de nous. C'est inéluctable.
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