Demain soir sera pour moi un pénible anniversaire, le décès de ma mère. Fait-on jamais le deuil de sa mère? J'avais perdu mon père onze ans auparavant, le chagrin m'avait minée mais le processus de deuil s'était déroulé, normalement, en son temps.
Le lien charnel avec la mère est une autre histoire. Il n'enlève rien à l'amour que l'on peut porter à son père, il est autre. Tout est dit avec l'adjectif "charnel". Chair de ma chair, même si ce sont elles, les mères, que nous avons l'habitude d'entendre prononcer ces mots. Elles sont pour tout un chacun l'origine du monde. Nous sommes issus de leur chair, c'est en elles que nous avons entendu nos premiers sons, senti nos premières caresses, eu sans doute nos premières peurs, nos premiers dégoûts, et qui sait, nos premières larmes. Notre relation peut avoir été difficile, fusionnelle, tendre, conflictuelle, il n'en demeure pas moins que le lien qui nous lie ne se compare à aucun autre.
J'ai appris à vivre sans elle, j'ai fait mon deuil de sa présence, de ses coups de téléphone, des rigolades, des engueulades, des moments doux ou âpres. J'ai fait le deuil de ma propre insouciance.
Mais chaque instant de cette dernière soirée reste gravé douloureusement dans ma mémoire. Cet arrachement-là est un chagrin bien sûr, mais c'est aussi une douleur. La douleur de sa souffrance, de son silence, du souffle qui s'éloigne, de ma voix qui murmure à son oreille, lui dit mon amour, celui de mes frères et sœur, et l'accompagne au seuil de son voyage. La douleur d'un cordon qui s'effiloche au fur et à mesure des expirs.
C'était il y a douze ans. C'est maintenant. La vie a continué, continue, la sienne ailleurs, la mienne ici.
En même temps...ce ne sont que des pensées...que mon mental s'escrime à transformer en ressentis...Ai-je fait le deuil de ma mère? Oui...et non. A un niveau, j'avance, riche de tout ce qu'elle m'a apporté, je peux voir que mes souvenirs sont seulement des souvenirs, prendre conscience que l'arrachement a toujours été pour moi une épreuve, à un autre niveau, que j'accueille comme une part de l'être humain que je suis, ces derniers instants à ses côtés me font mal et me rappellent, si besoin était, que les miens, futurs, ne sont pas si lointains, demain ou ...qui sait?
C'est intime. Mais ne sommes-nous pas tous orphelins quand nos parents s'en vont, quel que soit notre âge?
Rédigé par : Fiso | 22/02/2015 à 18:51